Leïla Huissoud: L’ombre d’une grande

Un amas de partitions qui jonchent le sol, un fauteuil en tissu décrépi, une petite chaise en bois, quelques vieux cahiers, une guitare et un piano… C’est dans ce décor de « joyeux bordel » que Leïla Huissoud, 21 ans, fait son entrée sur la scène de l’Antredeux à Lille. Timide et la démarche mal assurée, elle s’installe rapidement sur la chaise en bois et démarre quelques accords à la guitare… se trompe… recommence… On comprend bien vite qu’il s’agit là d’un jeu. Leïla fait-elle semblant d’avoir peur ou a-t-elle vraiment la frousse de se retrouver là, face au public ? Un peu des deux sans doute. Elle se lève et s’avance vers le micro bien trop haut pour elle. Enervée, elle court chercher la chaise en bois et monte dessus pour atteindre enfin le fameux micro. Ca y est, elle est dans l’arène, prête à se lancer. « C’est pas la peur qui me manque/ Et j’ai pas la taille qui rassure/ Mais c’est mieux pour trouver une planque/ Alors j’me plains pas d’ma carrure » Sa timidité ne semble finalement pas être un jeu. En effet, Leïla se livre et nous affirme sa peur de se retrouver chaque soir devant un public : « Ils sont beaux mais je vous assure/ Y a rien de plus flippant qu’vos regards/ Parce qu’on se les prend en pleine figure/ Parce que j’les sens quand on voit pas/ Dans chaque rêve j’oublie ma ceinture/ Et j’finis de chanter sans le bas. »

Aujourd’hui, Leïla est venue présenter aux Lillois son album « L’ombre » sorti en mars 2017 et quelques nouveautés qui feront sans doute partie de l’album à venir. La plupart connaissent la jeune lyonnaise depuis sa brève apparition dans The voice en 2014. L’aventure fut courte mais on a envie de dire « tant mieux ». En effet, Leïla a eu après sa sortie l’occasion de tracer sa route en faisant ses choix seule et on ne peut que s’en réjouir. Elle a notamment assuré les premières parties de Gauvain Sers et Balimurphy et son album est une petite merveille.
Tantôt grave dans « La niaise » ou « Dix pour cent », tantôt tendre dans «Mes petits doigts glacés» ou « Ma quotidienne», elle enchaine les morceaux de sa voix au timbre si particulier. Sur scène, elle est accompagnée par Kévin Fauchet qui manie aussi bien la guitare, le piano et l’harmonica et pousse même la chansonnette sur certains morceaux. Leur complicité est évidente et touchante. Il suffit d’écouter « On s’connait depuis longtemps » pour n’en plus douter : « Nous on s’connait depuis longtemps/ On dit c’qu’il faut au bon moment/ T’es à côté, moi j’te comprends/ On s’égare en sentiments ». Ils iront même jusqu’à jouer à quatre mains à la guitare. Soit disant plus facile, selon Leïla…
Entre les chansons, Leïla raconte des anecdotes drôles et touchantes. On apprend par exemple que petite, elle était persuadée que la Suisse était une pharmacie. Tout ça, à cause du drapeau bien sûr ! Elle nous explique également plus tard que pour chanter « La vieille », une chanson « contestataire » reprise dans le répertoire de Patrick Font, il faut une robe rouge. Parfois, quand elle enchaine les dates, la robe est sale, nous confie-t-elle. Aujourd’hui, la robe rouge est bien là et propre même si la jeune femme a cassé un bouton à l’encolure et l’a réparé à l’aide d’une barrette à cheveux. Elle espère que la réparation tiendra le coup jusqu’à la fin du concert. Leïla se confie et évidemment le public aime ça.
Du haut de ses 21 ans, Leïla Huissoud nous frappe par sa maturité. Tantôt bercés par un piano, tantôt par un harmonica, ses textes drôles, caustiques ou tendres nous embarquent et rappellent la chanson d’antan, celle de Brassens, Moustaki et Barbara. Des chansons intimes sur la vie et sur les scènes quotidiennes qui nous prouvent que les mots ont toujours bien leur place dans le paysage musical français. Chanter sur l’amour ? Leïla n’en a pas vraiment envie… Mais elle a tout de même écrit « Ma quotidienne », une chanson d’amour pour elle-même… Celle qu’elle aurait eu envie d’entendre. C’est sur cette chanson qu’elle décide de clôturer le concert.

Petite par la taille, Leïla nous prouve ici qu’elle a tout d’une grande. Et elle ose s’interroger dans sa chanson « De la merde grand public » : « Est-ce que j’écris pour de vrai ? » On ose pour elle la réponse et on attend impatiemment son nouvel album prévu pour l’automne.

Site internet: https://leilahuissoud.com/

Laisser un commentaire