Marsatac 2016 : A en rugir de plaisir

dsc_7080-1-copier

« La musique apaise les mœurs » mais anime les meutes. Entre chiens et loups, le festival Marsatac a célébré sa majorité, les soirs des 23 et 24 septembre, sous les rythmes urbains du hip-hop et de la techno.

10 mois de préparation et d’organisation, 4 scènes, 34 artistes. De quoi laisser s’exprimer l’animalité assoupie au fond des corps. Alors, se joignant à la fête, 20 000 fauves avides de danse nocturne ont investi la Friche la Belle de Mai de la cité phocéenne. Marseille, éternelle jungle sonore où musicalement, tous les genres se côtoient, et souvent, se rencontrent.

Les portes de l’ancienne usine à tabac s’ouvrent. Les meutes sont lâchées et rejoignent leur tanière de béton. Une projection gigantesque, à l’initiative du collectif marseillais Transfuges, se dévoile dès l’entrée. A la Cartonnerie, les trois Bordelais d’Odezenne ouvrent le bal bestial et enveloppe la foule de leurs mélodies planantes, éclectiques, leurs mots déconcertants. Déjà sous les sourires, les canines se dessinent. « Faire plaisir et se faire plaisir. Depuis le début, Marsatac est basé uniquement sur ça ». Dro Kilndjian, co-fondateur de l’événement et programmateur depuis la première édition, défend la « fête intelligente ». Mettre en lumière des artistes « intéressants et passionnants », le public s’ouvre à la culture, et « entend de bonnes choses ». « La fête n’est pas vaine », mais toujours, sauvage, fougueuse.

dsc_6843-1-copier dsc_6917-1-copier

« Aujourd’hui, on consomme la musique différemment », défend Dro. « On écoute plus exclusivement du rock, de la techno ou du hip-hop ». Alors pour toujours se renouveler, après des premières éditions autour de l’univers du rap, local puis international, l’association Orane, organisatrice de Marsatac, décide d’élargir ses horizons. Les styles s’entrechoquent. Sur scène, hip-hop et électro se rencontrent, les courants se rejoignent. « Pour nous, ces musiques ont le même processus créatif. Elles nécessitent les mêmes outils et utilisent la même matière à des BPM différents ». Pour Marsatac, le mixage des cultures se fait naturellement.

Une programmation sauvage sur mesures, pour chiens et loups

Vendredi, moment d’anthologie. Sur scène, 3 ombres se dessinent. Aucun doute ne plane, il s’agit bien là de Chinese Man, dont le prochain disque devrait sortir début 2017. Le public jubile, les loups hurlent d’excitation. Tumi rejoint le groupe. Le rappeur sud-africain connait bien ceux qui se désignent comme les disciples de l’Homme Chinois. Ils ont ensemble collaboré sur le morceau « Ta Bom », puis finalement en 2015, le groupe aixois et le MC finissent par produire un album commun, « The Journey ». Mais jamais encore ils ne s’étaient rencontrés sur scène. Marsatac créé l’inédit, toujours un peu plus. Youthstar les rejoint à son tour. Sur les mythiques samples de Chinese Man, les phases cinglantes électrisent les foules. Derrière les artistes, un écran géant laisse danser quelques squelettes désarticulés.

Ponctuée de bass music, l’ôde au rap se poursuit. Les louves du genre rugissent : l’anglaise Flava D, la Queen Lady Leshurr et son énergie, mais aussi l’excentrique Gnucci trouvent leur place autour des grands talents du hip-hop que sont, entre autres, Jazzy Bazz, Killason, Ghostface Killah & Raekwon ou encore Ocean Wisdom. Puis, entre d’épais murs de béton, les trois New-Yorkais de Flatbush Zombies rejoignent la scène de la Cartonnerie. Toujours, le public, massé, trépigne. Des flows percutants résonnent. Les fans reconnaissent là « 3001 : A Laced Odyssey », premier album du crew. Meechy Darko, Zombie Juice et Erick « The Architect » Elliott sautent, dansent, devant des images psychédéliques à souhait. Sur la petite scène du Club, conçue par le collectif RDV, les sept Parisiens de Panama Bende sont eux-aussi survoltés. « Rien à perdre, tout à gagner ». Chiens et loups poussent leur cri de ralliement. Ils ne forment plus qu’une seule meute.

Panama Bende dsc_6986-1-copier

dsc_6997-1-copier dsc_7029-1-copier

Le lendemain, les BPM s’accélèrent. Chris Liebing, Marcel Dettmann, le duo Mind Against, les prodiges de la techno investissent les lieux, pendant que George Fitzgerald, Agoria et Louisahhh, Flavien Berger ou encore Thylacine défendent leur vision de l’électro. En live, Richie Hawtin, icône internationale, s’approprie la Cartonnerie. « Close » se dévoile, une exclusivité sonore et musicale osée, signée Marsatac. Les mains se lèvent, les cris fusent. Dans le public, l’osmose est générale pendant que Comah, y déverse sa minimal progressive et incisive. Ses samples, connus et reconnus à travers le globe, exultent le Cabaret. Entre ses tracks incontournables que sont La Pilule Rouge ou Le Tueur au Puzzle, le jeune Toulousain s’essaie à quelques inédits. Toujours, les corps s’animent, les pieds battent le sol et les sourires en disent long. Le public marseillais est des plus réceptifs.

dsc_8295-1-copier dsc_8148-1-copier

La Friche la Belle de Mai, un antre festif réinventé

Les lieux sont connus. Cette 18ème édition est la cinquième et l’ultime à se jouer dans la Friche la Belle de Mai, le déménagement du festival vers le Parc Chanot ayant été acté. Alors, cette année le terrain de jeu et ses 42 000m² se sont métamorphosés. Entre escaliers, passerelles et recoins, la rue intérieure est méconnaissable. Le collectif AV Exciters y a semé ses « Red Stars », sphères de métal semblant flotter au dessus des passants. Le public voyage, découvre une atmosphère inhabituelle. « On a cassé des murs et tout reconstruit. La salle disparaîtra après notre venue », témoigne l’organisation. « On s’empare de tout l’espace, y compris de celui inconnu du public ». La Place des Quais, quatrième scène jusque là inexploitée, apparaît entre les bêtes. Labels, collectifs, chacun s’y exprime. Carte blanche est donnée à Yuma Production pour ses soirées Horizons (HRZNS), puis au label phocéen D-Mood Records. Dans ce paysage urbain, chiens et loups n’ont pour seule reine l’expression, sans entrave, que toujours l’art sublime.

 dsc_6933-1-copier

En attendant la 19ème édition du festival les 23 et 24 juin 2017 au Parc Chanot de Marseille, retrouvez ici toute l’actu et les rendez-vous de Marsatac.

Solène Peillard

Photos de Simon Fejoz

Laisser un commentaire